à bicyclette !

À bicyclette !, ce n’est ni un documentaire, ni une fiction, c’est un film inclassable. On y suit deux amis depuis 20 ans, un acteur et un réalisateur, qui ont décidé d’entreprendre un périple à vélo accompagnés par une petite équipe de tournage. À la base, rien n’était écrit, ce n’est qu’au fil de l’aventure que certaines parties ont été scénarisées. Il faut d’ailleurs au spectateur quelques minutes pour entrer dans le récit et comprendre de quoi il retourne, avant de s’immerger dans ce film qui ne ressemble à aucun autre.

Le voyage de Mathias Mlekuz et Philippe Rebbot est toutefois bien loin d’une simple virée entre potes. À l’origine, il y a un drame : le suicide de Youri, le fils de Mathias. Et c’est pour lui rendre hommage que le réalisateur enfourche sa bicyclette : il veut refaire un voyage que Youri avait lui-même effectué, comme une espèce de pèlerinage, de la France à la Turquie. En véritable ami, Philippe Rebbot accepte immédiatement de partir avec lui, même si ni l’un ni l’autre ne sont des cyclistes aguerris. À l’instar de Youri quelques années auparavant, ils choisissent en outre de faire un numéro de clown dans certains lieux qu’ils traversent.

Ensemble, les compères vont parcourir ce qui peut s’apparenter à un chemin de deuil, partageant leurs sentiments, leur détresse face au drame qui les a touchés, leur vision de la vie et de la mort, réfléchissant encore et encore au sens de l’existence, ne se privant pas non plus de bonnes engueulades. Philippe Rebbot explique : « On y est allés aussi pour pleurer, pour dire toutes ces choses qu’on ne se serait pas dites si on était restés à Montreuil. »

Pour autant, le film n’est pas aussi triste qu’on pourrait le penser. Au contraire, il y a aussi des moments de rire, de joie, de partage et une solidarité indéfectible entre les deux protagonistes. Le résultat est lumineux, il nous touche en plein cœur. La sincérité de ces deux hommes ne peut que nous renvoyer à nous-mêmes, à la manière dont nous affrontons les épreuves et à notre propre fragilité. « Après la mort de Youri, je ne serai plus jamais un homme heureux, mais je peux encore être joyeux », résume Mathias Mlekuz.

À noter que ce film aurait pu passer totalement inaperçu. Le thème : le suicide d’un fils et le travail de deuil qui en découle, était « trop lourd » pour les distributeurs de cinéma. Un film voué à « ne pas trouver son public », comme on dit dans le milieu. En gros, le pari était trop risqué.

Mais c’est finalement le public qui a « trouvé » le film. À bicyclette ! a été sélectionné au Festival du film francophone d’Angoulême et il a été couronné par le Prix du public, ce qui lui a offert une magnifique rampe de lancement vers les salles de cinéma.