Cinéma Cosmopolis
Chemin de Novassalles, Aiglemon gâteau préféré
Durée
1h37Réalisation
Behtash Sanaeeha et Maryam MoghaddamInterprétation
Lily Farhadpour, Esmail MehrabiPays
IranAnnée de sortie
2024
Mon gâteau préféré, c’est le genre d’histoire qui reste longtemps en tête. Pourquoi ? Premièrement parce que sans en avoir l’air, le propos est résolument subversif. Pour ce film, les réalisateurs iraniens Maryam Moghaddam et Behtash Sanaeeha ont été condamnés à 14 mois de prison avec sursis pour « propagande contre la République islamique » et « propagation de la débauche ». Ils ont dû payer une lourde amende et leur matériel a été saisi.
Ils n’ont d’ailleurs pas pu quitter l’Iran pour faire la promotion de leur film à travers le monde, leurs passeports ayant été confisqués. À nos yeux occidentaux, ces sanctions peuvent sembler démesurées, surtout lorsque l’on découvre le film. Simplement, l’héroïne ne porte pas le hijab en permanence -ce qui va à l’encontre des images habituellement montrées au cinéma en Iran- elle parle d’amour et de politique et consomme de l’alcool. Le propos n’est pas révolutionnaire ou sulfureux à proprement parler, mais il heurte de plein fouet le pouvoir patriarcal.
Au-delà de cet aspect, le film laisse des traces en nous parce qu’il aborde des thèmes à la fois universels et intimes. La solitude d’abord. Celle de Mahin, une vieille femme qui vit à Téhéran. Même si elle voit encore temps en temps quelques amies, veuves comme elle, elle souffre d’isolement. Ses enfants sont expatriés, ils vivent loin d’elle, sans elle. Et Mahin se sent bien seule dans sa petite maison.
A-t-on le droit de refaire sa vie lorsque l’on est une septuagénaire dans l’Iran d’aujourd’hui ? Certainement pas. La police des mœurs pourrait lui tomber dessus, ne serait-ce que si elle l’apercevait en compagnie d’un homme. Mahin le sait, mais elle garde le souvenir d’un autre Iran, un pays où elle a eu la chance d’être libre, où elle a eu tout loisir d’être coquette, de porter de beaux vêtements et de rêver à l’amour…
À son humble échelle, cette femme va se rebeller, aussi bien contre le destin que contre le musèlement que lui impose le régime. Dans un restaurant, elle entend un chauffeur de taxi se plaindre de n’avoir personne à la maison pour lui préparer de bons petits plats. Elle ne le connaît pas, mais elle va braver tous les interdits et l’inviter chez elle, pour une nuit qui va s’avérer inoubliable.
Autre thème universel s’il en est : l’espoir. Alors qu’ils souffraient d’être seuls, chacun de leur côté, Mahin et son chauffeur de taxi Faramaz vont se mettre à espérer ensemble. Quel que soit le contexte, les circonstances, l’âge des protagonistes ou encore le pays dans lequel se déroule l’action du film, on ne peut qu’être touchés par ce sentiment profondément humain qui repousse sans cesse sur toutes les ruines, à l’image d’une fleur dans un jardin abandonné.
Tout en subtilité, tendre, tragique et surprenant à la fois, Mon gâteau préféré ne vous laissera pas indemne. (VP)