Comme un avion

Projection
31 janvier 2016

Réalisation
B. Podalydès

Acteurs
Bruno Podalydès, Sandrine Kiberlain, Agnès Jaoui, Denis Podalydès, Michel Vuillermoz, Vimala Pons

Le film
Passionné par l’histoire de l’aéropostale, Michel découvre par hasard la ressemblance entre un kayak et un avion. Dès lors il songe à réaliser son rêve d’évasion en descendant seul une rivière à bord de son embarcation. Au fil de son périple il accoste une guinguette champêtre et s’attache au lieu et à ses occupants.

Le réalisateur
Né en 1961, Bruno Podalydès est l’aîné de quatre frères, notamment son cadet Denis, qui joue dans chacun de ses films. Après deux moyens métrages et des films d’entreprise pour Air France, il réalise son premier long métrage en 1998 (Dieu seul me voit), César de la meilleure première œuvre. Il réalise notamment deux adaptation de romans de Gaston Leroux (Le mystère de la chambre jaune, 2003, et Le parfum de la dame en noir, 2005). Il a également collaboré avec Alain Resnais pour son film Vous n’avez encore rien vu. Il poursuit également une carrière d’acteur (il joue notamment dans chacun de ses films).

Notre avis
S’il est un terme qui peut qualifier le cinéma de Bruno Podalydès, et particulièrement ce Comme un avion, c’est celui de douceur. Après avoir évoqué, sourire mélancolique aux lèvres, le monde des pompes funèbres dans Adieu Berthe !, le réalisateur conte dans Comme un avion l’itinéraire d’un doux rêveur, héros lunaire embarqué au fil de l’eau dans une aventure plus paisible que rocambolesque. Le titre de la version anglaise ne s’y trompe pas, qui intitule The sweet Escape ce bijou d’humour, d’inventivité et de fragilité, où les grands sentiments humains affleurent à la surface sans créer de tourbillons. Le courant qui nous porte, la fugacité des choses et des émotions, le spectacle du monde à contempler comme un enfant, le cours d’une rivière n’est bien entendu pas sans analogie avec celui d’une vie, que le film nous invite à suivre, au fil d’une eau paisible.

Le vent se lève

Projection
31 janvier 2016

Réalisation
H. Miyazaki

Le film
Inspiré par le fameux concepteur d’avions Giovanni Caproni, Jiro rêve de voler et de dessiner de magnifiques avions. Mais sa mauvaise vue l’empêche de devenir pilote, et il se fait engager dans le département aéronautique d’une importante entreprise d’ingénierie en 1927. Son génie l’impose rapidement comme l’un des plus grands ingénieurs du monde. Hayao Miyazaki a uni deux hommes ayant existé, l’ingénieur Jiro Horikoshi et l’auteur Tatsuo Hori, qui vécurent à l’époque où se déroule Le vent se lève, pour créer Jiro, le personnage de fiction qui est au centre de cette grande histoire d’amour et de persévérance, qui parle des défis que pose la vie et de la difficulté de faire des choix dans un monde en plein chaos.

Le réalisateur
Véritable légende de l’animation, Hayao Miyazaki naît à Tokyo le 5 janvier 1941. En 1985, Hayao Miyazaki cofonde le Studio Ghibli. Il a réalisé depuis neuf longs métrages d’animation. Ses films sont des succès public et reçoivent de nombreux prix internationaux. Parmi ses films: Le voyage de Chihiro (2001) Ours d’Or au Festival du film de Berlin 2002 et Oscar du meilleur film d’animation 2003, Princesse Mononoke (1997), Le château ambulant (2004); Ponyo sur la falaise (2008) etc… Le vent se lève a été nommé au Lion d’or à Venise et nommé à l’ Oscar du meilleur film d’animation en 2014.

Propos du réalisateur
“Je souhaite dresser le portrait d’un individu passionné qui poursuit son rêve coûte que coûte. Il y a dans les rêves une part de folie, et pareil poison ne saurait être dissimulé. Désirer ardemment quelque chose de trop beau, de trop grand, peut vous détruire. Aspirer à la beauté peut s’assortir d’un très lourd prix à payer. Jiro sera battu, mis en échec, sa carrière de créateur interrompue très rapidement. Malgré cela, c’était un individu d’une originalité et d’un talent rares et remarquables. C’est ce que nous allons tenter de montrer dans notre film. Le titre, Le vent se lève, vient du roman éponyme écrit par Tatsuo Hori. Hori a lui-même emprunté son titre à un poème de Paul Valéry intitulé Le Cimetière marin, “Le vent se lève, il faut tenter de vivre”.

Critiques
Un grand film (…) qui a l’ambition d’embrasser beaucoup, d’embrasser un peuple, un pays, une époque, la terre, les hommes, de traverser le temps.
Les cahiers du cinéma

Un véritable chef-d’œuvre qui devrait tous nous réconcilier avec ce cinéma, nous convaincre de sa totale modernité et de sa capacité à l’abstraction.
Les inrockuptibles

Le cinéaste japonais signe son ultime chef d’oeuvre, le plus mélancholique et le plus réaliste.
Tribune de Genève

Pride

Projection
08 mars 2016

Réalisation
M. Warchus

Acteurs
Dominic West, Imelda Staunton, Bill Nighy, Joseph Gilgun, George Mackay,…

Le réalisateur
Né en 1966, Matthew Warchus est metteur en scène de théâtre, d’opéra et de cinéma. Il a travaillé pour la plupart des grandes troupes britanniques, y compris la Royal Shakespeare Company. Il a été directeur associé du West Yorkshire Playhouse et de l’Old Vic Theatre. Avec Pride, il signe son second long métrage après Simpatico en 1999. Pride a reçu la Queer Palm 2014, récompensant le meilleur film LGBT (lesbiennes, gays, bisexuels et trans) du Festival de Cannes.

Le film
Le réalisateur s’est inspiré d’une histoire vraie pour ce récit qu’il a coécrit avec Stephen Beresford. « Dans Pride, presque tout ce qui est relaté est vrai. Si cette alliance incongrue entre des homosexuels et des mineurs paraît irréaliste, idéaliste même, encore plus dans les années 80 qu’aujourd’hui, elle a bel et bien existé ! »

1984 – Alors que Margaret Thatcher, Premier ministre du Royaume-Uni de 1979 à 1990, est au pouvoir, le Syndicat National des Mineurs vote la grève (La « Dame de fer » y resta insensible pendant un an). Lors de la Gay Pride à Londres, un groupe d’activistes gay et lesbien décide de récolter de l’argent pour venir en aide aux familles des mineurs en grève. Mais L’Union Nationale des Mineurs est embarrassée de recevoir leur aide. Le groupe d’activistes ne se décourage pas. Ils décident d’ignorer le syndicat et d’aller directement aux mineurs. Ils embarquent à bord d’un minibus pour aller remettre l’argent aux ouvriers d’un village minier au fin fond du pays de Galles. Ainsi débute l’histoire extraordinaire de deux communautés que tout oppose et qui s’unissent pour une même cause.

L’excellence des Britanniques, quant au cinéma social, n’est plus à démontrer, que ce soit dans le drame chez Ken Loach, Mike Leigh et Michael Winterbottom, ou dans le feel-good movie, la comédie sociale (Les Virtuoses, Billy Elliot, The Full Monty, We want sex equality). Pride s’inscrit dans cette lignée, douce-amère, souvent euphorique, d’un cinéma ouvrier, militant, toujours en guerre contre les fantômes de Thatcher, qui s’amuse à montrer les petites gens unies pour une cause, y compris dans des mariages contre-nature.

L’union de Pride est celle de deux groupes que tout oppose, mais qui s’attirent inexorablement vers un but commun : déstabiliser l’autorité du gouvernement, revendiquer des droits sociaux et d’égalité, tout en se découvrant l’un l’autre et en faisant tomber les tabous des différences. « D’un côté nous avons le militantisme urbain londonien d’une poignée de membres de la communauté LGBT, à l’époque de l’avènement de la culture homo de club, avec Bronski Beat, Culture Club et autre Frankie Goes to Hollywood, mais aussi de l’apparition du sida, des citoyens oppressés par une législation qui fait d’eux des individus de seconde zone. De l’autre côté, nous avons les ruraux, souvent très conservateurs, du Pays de Galles, région la plus pauvre du Royaume uni, où les mines, et donc toute l’économie locale, sont menacées. » Propos du réalisateur
Plutôt classique dans sa forme, Pride dresse le portrait de personnages hauts en couleur et leur rapprochement improbable donne lieu à de grands moments de comédie, sans perdre de vue le fond social et sociétal de son propos. Matthew Warchus réalise un film lumineux et positif en traitant de sujets graves, que ce soit la lutte syndicale des mineurs sous le gouvernement conservateur inflexiblede Margaret Thatcher dans le milieu des années 80, l’homophobie et les droits des homosexuels, l’importance du féminisme, de l’engagement politique et de la solidarité.

Critiques
« Sans tomber dans l’énumération de situations drôles ou de dialogues piquants, on soulignera un point essentiel. Dans cette démarche canonique de l’euphorie avec toutes les ficelles propres au feel-good movie, le réalisateur Matthew Warchus ne fait pas qu’appliquer tous les stéréotypes et les éléments cocasses qui ont fait le succès de ce type de productions, il les transcende pour parvenir à ce petit cocktail imparable de rires et d’émotions qui rendent tous les personnages irrésistibles et réellement touchants ». Le Monde

« C’est surtout une nouvelle preuve qu’en matière de chronique sociale, les Anglais sont les meilleurs. Il y a de l’émotion, de l’humour, de la réflexion, servis par la crème des interprètes britanniques. C’est l’énergie communicative de The Full Monty mixée avec le militantisme de Ken Loach ». L‘Express

Leviathan

Projection
08 mars 2016

Réalisation
A. Zviaguintsev

Scénario
Oleg Negin, Andreï Zviaguintsev

Acteurs
Alexeï Serebriakov, Elena Liadova, Vladimir Vdovitchenkov

Le réalisateur et le film
D’abord acteur puis réalisateur de télévision, Andreï Zviaguintsev s’est imposé en trois films comme un maître du réalisme symbolique. Il se révèle au grand public dès son premier long-métrage Le Retour (2003), récompensé par le Lion d’or de la Mostra de Venise 2003, qui obtient un succès international. Avec Le Bannissement (2007), il accède à la sélection officielle du Festival de Cannes 2007 où le comédien Konstantin Lavronenko obtient le Prix d’interprétation masculine. Le drame Elena (2012) est récompensé par le Prix spécial du jury de la section Un certain regard du Festival de Cannes 2012. Le réalisateur revient en compétition officielle à Cannes en 2014 avec Leviathan qui reçoit le Prix du scénario. Le film est sélectionné pour représenter la Russie à l’Oscar du meilleur film en langue étrangère aux Oscars du cinéma 2015. Lors de la 72e cérémonie des Golden Globes, il remporte le Golden Globe du meilleur film en langue étrangère. Leviathan déclenche de violentes polémiques en Russie avant même sa sortie en 2015, attisées par les nombreuses récompenses qu’il a reçues à l’étranger. Zviaguintsev est accusé de montrer l’alcoolisme et la corruption généralisée, de noircir l’image de la Russie et le film est considéré comme « anti-russe ».

Leviathan tire son argument d’un fait divers survenu dans le Colorado : l’affaire Killdozer, quand un citoyen exaspéré pulvérisa des bâtiments officiels à bord de son bulldozer blindé. Le film renvoie aussi au Livre de Job de L’Ancien Testament et à Léviathan ou Traité de la matière, de la forme et du pouvoir d’une république ecclésiastique et civile (1651), de Thomas Hobbes.

Kolia vit une vie modeste mais tranquille dans une petite maison située dans le nord de la Russie au bord de la mer de Barents, avec son fils Roma et sa seconde femme Lilia. Bientôt, le maire de la petite bourgade, vil, alcoolique mais puissant, va s’acharner à exproprier la famille pour réaliser un projet immobilier. Face au pouvoir du représentant de l’Etat, aux intimidations et à l’argent de leur adversaire, Kolia va tout faire pour faire valoir ses droits et résister, tel Job face au monstre Léviathan dans le Livre de Job. Mais Léviathan est un animal fabuleux qu’il est bien vain de prétendre défier. C’est ce que va rappeler le père Vasiliy à Kolia : sur Terre, nul ne peut dominer le monstre (l’Etat), toute révolte est inutile.

Le film n’est pas frontalement politique ou revendicateur, il parle des individus et de la vie quotidienne avant tout. Les personnages sont remarquablement dessinés et touchants dans leur vie quotidienne, leurs peurs, leurs espoirs, leurs joies et leurs combats. Cette chronique humaine est parcourue d’images surprenantes, lourdes de sens et de symboles, qui font remonter à des temps immémoriaux cette lutte universelle pour la survie et l’honneur, la justice et la liberté. Toutefois, quelques allusions (un portrait de Vladimir Poutine au-dessus de la tête du Léviathan, un tag des Pussy Riots dans la ruelle où le héros se laisse aller au désespoir) ancrent un peu plus le film dans la réalité russe contemporaine.

Propos du réalisateur
« Nous sommes tous, depuis notre naissance, marqués par le péché originel, nous naissons tous dans un « Etat ». Son pouvoir spirituel sur l’homme ne connaît pas de limites. La laborieuse alliance de l’Homme et de l’Etat est, depuis longtemps, un thème de la vie en Russie. Mais si mon film est ancré dans le terreau russe, c’est seulement que je ne ressens aucune parenté, aucun lien génétique avec quoi que ce soit d’autre. Je suis profondément convaincu que, quelle que soit la société dans laquelle chacun de nous vit, de la plus développée à la plus archaïque, nous serons forcément tous confrontés un jour ou l’autre à l’alternative suivante : vivre en esclave ou vivre en homme libre. Et si nous pensons naïvement qu’il doit y avoir un type de régime étatique qui nous libère de ce choix, nous nous fourvoyons totalement. Il y a, dans la vie de chaque homme, un moment clé où il se retrouve face au système, au « monde » et où il doit défendre son sens de la justice, son sens de Dieu sur Terre. Or c’est justement parce qu’il est encore possible de poser ces questions au spectateur et de trouver un héros tragique dans nos contrées, que ma patrie n’est pas encore perdue pour moi, ni pour ceux qui ont fait le film ».

Critiques
« Le cinéma de Zviaguintsev se caractérise par une rigueur intellectuelle et morale qui soulève un souffle métaphorique. Leviathan est une œuvre profonde, dure et très belle, aux images d’une beauté absolue, âpre, presque minérale. Plans-séquences d’une extraordinaire fluidité, cadrages somptueux, images magnifiques du Grand Nord russe, d’un point de vue formel, c’est du grand cinéma. Le Jury du Festival de Cannes lui a décerné le Prix du scénario. Peut-être aurait-il dû aussi réfléchir à un prix de la photographie, et à des récompenses pour les acteurs, tous merveilleux, avec mention spéciale pour la comédienne Elena Liadova ». Le Monde

À la recherche de Vivian Maier

Projection
23 février 2016

Réalisation
J. Maloof

Le film
Au hasard d’une vente aux enchères, John Maloof, à la recherche de photographies anciennes pour illustrer un livre sur Chicago, acquiert pour 400 dollars un grand lot de plus de trente mille négatifs ; las, il n’y trouve pas ce qu’il cherche. Quelques mois plus tard il se rend compte que ces photographies, anonymes, sont d’une qualité artistique remarquable. Il rachète alors les lots acquis par d’autres acheteurs, et apprend que ces cartons de négatifs appartenaient à une vieille dame malade dont le nom reste inconnu. Dès lors il poursuit ses investigations pour identifier l’auteur de ces photos et retracer son histoire. Il s’avère que l’autrice de ces photographies est une femme nommée Vivian Maier, personnage énigmatique et secret. Au travers de ce documentaire, John Maloof retrace ses recherches et tente de découvrir la vie de cette femme.

Vivian Maier (1926-2009) ne figure pas dans les anthologies de la photographie. Du moins pas jusqu’à sa découverte fortuite et récente, après sa mort. Sa vie reste en grande partie mystérieuse, mais on sait que d’origine franco-américaine, elle grandit à New York avec sa mère ; une amie de celle-ci, photographe, aurait initié Vivian à la photographie. Après la Seconde guerre mondiale et plusieurs séjours en France, Vivian Maier s’achète un Rolleiflex et est engagée comme gouvernante dans une famille de Southampton. Durant presque tout le reste de sa vie elle sera nounou, passant d’une famille à l’autre. Parallèlement elle poursuivra son activité de photographe, assidument mais secrètement, ne montrant ses clichés à personne, puis ne prenant même plus la peine de les développer. Dans la lignée de grands noms de la photographie du XXe siècle, l’œuvre de Vivan Maier s’ancre dans la photographie de rue, dans des portraits de marginaux, noirs, sans-abris, mais aussi ceux de membres de la bonne société chicagoenne. Architecture de la ville, scènes de rues, pittoresque ou dramatiques, drôles ou surréalistes, les photographies de Vivan Maier embrassent tous les genres, et l’on peut remercier le hasard bienveillant qui a permis à ces milliers de clichés de paraître au grand jour et d’avoir donné un nom et un visage à Vivian Maier.

Boyhood

Projection
09 février 2016

Réalisation
R. Linklater

Acteurs
Ellar Coltrane, Patricia Arquette, Ethan Hawke, Lorelei Linklater

Le film
Chaque année, durant 12 ans, le réalisateur Richard Linklater a réuni les mêmes comédiens pour un film unique sur la famille et le temps qui passe. On y suit le jeune Mason de l’âge de six ans jusqu’ à sa majorité, vivant avec sa sœur (Lorelei Linklater, la fille du réalisateur) et sa mère, séparée de son père. Les déménagements, les amis, les rentrées des classes, les premiers émois, les petits riens et les grandes décisions qui rythment sa jeunesse et le préparent à devenir adulte…
Richard Linklater réussit à maintenir un ton constant, qui permet un passage fluide d’une époque à l’autre. Il réussit à assimiler l’évolution des modes (visible dans les accessoires électroniques par exemple) et celle des mentalités. Boyhood est donc autant le récit intimiste d’un passage à l’âge adulte que le tableau d’une frange de l’Amérique moyenne.

Un projet hors norme
Vu l’ampleur du projet, il n’était pas évident de trouver des financements, des producteurs, des acteurs et des techniciens enclins à s’investir sur une aussi longue période. « C’était comme faire un énorme pas dans le futur »explique Richard Linklater. « Certains artistes s’efforcent d’avoir un minimum de contrôle sur leur projet, mais là, il y avait des éléments qui échapperaient à tout le monde. Des changements physiques et émotionnels, qu’on était prêts à explorer. D’une certaine façon, le film est devenu une collaboration avec le temps lui-même, et le temps sait être un excellent collaborateur, même s’il n’est pas toujours prévisible. » Linklater
avait même demandé à Ethan Hawke de terminer le film au cas où il décéderait durant le tournage. Techniciens et acteurs se sont retrouvés chaque année pour 3 ou 4 jours de tournage. A part Linkater et sa collaboratrice Sandra Adair, personne n’a su ce qu’ils avaient créé pendant les 144 mois qui se sont écoulés entre le début et la fin. Ce n’est que quand la dernière scène a été bouclée que le film a été montré.

Entre réalité et fiction
Pour son projet, le réalisateur n’avait pas écrit de véritable scénario, mais une ébauche structurelle, développant le script au fil de la production, en incorporant les propres expériences de vie des acteurs et les faisant participer au processus créatif. Tout comme Mason, les parents de Linklater se sont séparés alors qu’il entrait en cours préparatoire. Le père du cinéaste travaillait à Houston, au Texas, comme le personnage interprété par Ethan Hawke ; et à l’instar d’Olivia, le personnage de Patricia Arquette, sa mère a obtenu son diplôme universitaire, alors qu’il était encore sur les bancs de l’école. On retrouve également de nombreuses similitudes entre le jeune Mason et le réalisateur. Tous deux partagent un goût prononcé pour les arts (Linklater écrivait déjà au lycée, et a même été primé pour son travail) et sont végétariens.

Le réalisateur
Richard Linklater, 55 ans, appartient à une nouvelle génération de cinéastes indépendants américains, capable d’alterner le cinéma expérimental (Slacker, Waking Life) et les productions grand public (Before Sunrise, Rock Academy).
Né au Texas, Richard Linklater a souvent tourné dans sa région natale. Il a réalisé plusieurs films dont l’action se déroule sur une seule journée. Avant Boyhood, la trilogie des Before met également en scène les mêmes personnages sur plusieurs années, ainsi que le Texan Ethan Hawke, un de ses acteurs fétiches.

Ida

Projection
26 janvier 2016

Réalisation
P. Pawlikoski

Acteurs
Johannes Bah Kuhnke, Lisa Loven Kongsli, Kristofer Hivju, Clara et Vincent Wettergren

Toronto 2013: FIPRESCI Award
London 2013: Best Picture Award
Warsaw 2013: City of Warsaw Grand Prix
Oscar du meilleur film étranger

Synopsis
Pologne 1962. Anna, une jeune fille orpheline de 18 ans grandit dans une école monastique. Avant de faire ses vœux pour devenir nonne, elle doit rendre visite à l’unique parent encore en vie, sa tante Wanda. Celle-ci lui apprend pour la première fois ses origines juives et que son nom était initialement IDA. Ida sera confrontée à ses racines et devra se confronter à la vérité de sa famille.

Le film
Ida est un film en blanc et gris. Ou plutôt en noir et gris, n’était-ce la neige qui n’en finit pas de tomber. Sur le fil du rasoir, au plus profond de la forêt polonaise et des massacres qui y furent perpétrés avant d’y être enfouis, il cherche à élucider l’énigme de l’âme de ce peuple au catholicisme chevillé au corps, pris en tenaille entre la Russie orthodoxe et la Prusse protestante.

A la recherche des corps perdus : en dépit d’une mémoire familiale exterminée, Ida, crânement, voudra savoir. Et comprendre. Sur le chemin de sa quête, elle croisera Lis, un beau garçon, joueur de sax et fan de Coltrane. Elle hésitera, comment faire autrement ? Prendra conscience de sa beauté, découvrira les mystères de la séduction et de l’amour, avant d’aller jusqu’au bout d’elle-même.

Réalisé par Pawel Pawlikowski, précédemment auteur de My Summer of Love (avec Emily Blunt) et de La Femme du Ve (avec Kristin Scott-Thomas et Ethan Hawke), Ida est un film étouffé, comme l’est le bruit des pas sur la neige. Un film retenu, comme ce passé polonais qui a tant de mal à passer. Une impression de perte de sens et de repères, renforcée par le format carré du cadre (4/3) et le décadrage quasi systématique des personnages perdus sous un ciel plombé.

Snow Therapy

Projection
12 janvier 2016

Réalisation
R. Ostlund

Acteurs
Johannes Bah Kuhnke, Lisa Loven Kongsli, Kristofer Hivju, Clara et Vincent Wettergren

Le film
Une famille suédoise passe quelques précieux jours de vacances dans une station de sports d’hiver des Alpes françaises. Le soleil brille et les pistes sont magnifiques mais lors d’un repas dans un restaurant de montagne, une avalanche vient tout bouleverser. Les clients sont pris de panique, Ebba, la mère, appelle son mari Tomas à l’aide tout en essayant de protéger leurs enfants (Clara et Vincent Wettergren, frère et sœur dans la vie), alors que Tomas, lui, a pris la fuite ne pensant qu’à sauver sa peau… Mais le désastre annoncé ne se produit pas, l’avalanche s’est arrêtée juste avant le restaurant, et la réalité reprend son cours au milieu des rires nerveux. Il n’y a aucun dommage visible, et pourtant, l’univers familial est ébranlé. La réaction inattendue de Tomas va les amener à réévaluer leurs rôles et leurs certitudes, un point d’interrogation planant au-dessus du père en particulier. Alors que la fin des vacances approche, le mariage de Tomas et d’Ebba est pendu à un fil, et Tomas tente désespérément de reprendre sa place de patriarche de la famille. Snow Therapy est une comédie grinçante sur le rôle de l’homme au sein de la famille moderne.

Chacun pour soi
Le réalisateur s’est inspiré d’une anecdote personnelle pour son film : lors d’un voyage en Amérique latine, un couple de ses amis a été pris sous les tirs d’hommes surgis de nulle part. Le mari a réagi d’instinct et a couru se mettre à couvert, laissant sa femme sans protection. De retour en Suède, après un ou deux verres de vin, elle ne pouvait pas s’empêcher de raconter l’histoire encore et encore. Sa curiosité piquée au vif, Ruben Östlund a recherché d’autres histoires du même genre. Depuis le naufrage du Titanic, la conviction que la norme sociale des « femmes et des enfants d’abord » confère aux femmes plus de chances de survie que les hommes lors de catastrophes maritimes et que l’équipage et le capitaine donnent priorité aux passagers s’est largement répandue. Des chercheurs de l’Université d’Uppsala (Elinder et Erixson, 2012) ont analysé une base de données incluant 18 catastrophes maritimes sur trois siècles, couvrant le destin de plus de 15’000 individus ayant 30 nationalités différentes. Les résultats ont fourni une nouvelle image des catastrophes maritimes. Les femmes ont clairement moins de chances de survie que les hommes et l’équipage et les capitaines ont un taux de survie nettement plus élevé que les passagers. Dans l’ensemble, les résultats montrent que l’expression « Chacun pour soi » résume le mieux le comportement en situation de vie ou de mort.

Note du réalisateur
« Cela m’a donné envie de parler de la notion reçue selon laquelle un homme est supposé être le protecteur de sa femme et de sa famille et du code social selon lequel l’homme ne doit pas reculer face au danger. A partir de là, je suis arrivé à l’idée d’un drame existentiel au sein d’une station de ski, quelque chose qui me semble extrêmement intéressant. En effet, les vacances au ski symbolisent pour moi le sentiment de maîtrise complète de sa propre vie. La station des Arcs, où Snow Therapy a été tourné, a été construite dans les années 50, comme la plupart des stations de ski européennes, pour recevoir les familles de la classe moyenne, constituée d’une mère (qui travaillait parfois), d’un père cadre et deux enfants. Le père est supposé mettre la main à la pâte et la cuisine ouverte entièrement équipée de l’appartement donne à la mère la possibilité de faire autre chose que la cuisine, par exemple skier avec sa famille ou se détendre. Les vacances sont le moment où le père de classe moyenne occidentale « redonne » à la famille pour compenser son absence. C’est le moment où il peut se dévouer à ses enfants et prendre soin d’eux. Mais dans Snow Therapy, « l’homme civilisé » se retrouve confronté à la « nature ». Les personnages vivent ce drame et le père, Tomas, doit faire face à son côté primitif, car ses instincts le conduisent à se sauver et à abandonner ses enfants et sa femme. Il doit faire face à la réalité : lui aussi est soumis aux forces de la nature et il n’a pas réussi à dissimuler son réflexe le plus élémentaire, l’instinct de survie. »

Le réalisateur
Passionné de ski et graphiste de formation, Ruben Östlund, 41 ans, a commencé sa carrière cinématographique en réalisant des films de ski. Que ce soit dans le court-métrage Incident By A Bank (qui a reçu l’Ours d’or à Berlin en 2009) ou les longs métrages The Guitar Mongoloid (2004), Happy Sweden (2008) et Play (2013), ses précédentes œuvres présentent déjà un style reconnaissable. Car Ruben Östlund un don d’observation qu’il sait mettre à profit dans ses projets et qui se reflète dans sa manière de nous montrer les événements : la caméra est souvent statique, les plans longs et l’on se prend à observer ce qui se déroule devant l’objectif avec une certaine distance. Un effet qui n’entrave en rien le plaisir à s’immiscer dans ses fictions.

Amarcord

Projection
15 décembre 2015

Réalisation
F. Fellini

D’après « El salmo de Kaplan » de Marco Schwarz

Scénario
Federico Fellini, Antonio Guerra

Acteurs
Bruno Zanin, Pupella Maggio, Armando Brancia, Giuseppe Ianigro, Magali Noël,…

Musique
Nino Rota

Oscar du meilleur film en langue étrangère

Synopsis
D’un printemps à l’autre, la chronique des jours heureux d’une petite ville de l’Adriatique, dans l’Italie paresseuse d’avant-guerre, vue à travers la famille de Titta, un adolescent turbulent et attachant, adepte des sentiers buissonniers.

Le film
Le titre (« je me souviens ») en dialecte romagnol, indique clairement l’intention autobiographique. Titta, c’est bien sûr Fellini, enfant espiègle et sensible des environs de Rimini: l’appropriation des lieux et de l’époque semble complète, et cet ancrage de ce qu’il faut cependant appeler la fiction n’est pas pour rien dans le (grand) plaisir du spectateur. Les « tranches de vie » présentées par l’auteur sont trop belles pour n’être pas vraies, mais plus que la beauté ou la réalité, c’est le pouvoir d’évocation qui importe ici. La démarche n’est rien moins que proustienne car Fellini cherche plutôt à libérer le souvenir, dans une dilatation permanente que les effluves de la musique de Nino Rota enveloppant tout le film portent à une constante maturation d’une élégante nostalgie. Les tableaux sont inoubliables. Ces images ne sont pas la réalité, puisque la réalité c’est le cinéma !
Le film traite également un sujet qui a pour nom fascisme. Le génie du cinéaste multiplie les points de vue : du « grotesque flamboyant » de la grande parade à l’interrogatoire subi par le père de Titta, les traits sont croqués avec le confort de l’évocation. La tendresse réelle de Fellini pour ses personnages repose sur un fait très simple : il sait leur transmettre son propre étonnement devant le monde. Ainsi de la famille assise au premier rang ou toute la ville réunie pour voir le Rex, magique paquebot illuminé voguant sur une mer d’autant plus vraie que « fabriquée » pour les besoins du film. Amarcord : le cinéma tel quel.

Critique
« Amarcord est une chronique de l’Italie campagnarde et fasciste, tantôt hilarante, tantôt amère, voire inquiétante lorsque les manifestations du fascisme quotidien nous sont montrées dans toute leur brutalité. C’est aussi sans doute le film le plus politique de Fellini, peut-être le seul.(…)

« Assemblage de vérité et de fiction, ce film est une recherche pittoresque et attendrissante du temps perdu. Fellini y mêle ses souvenirs d’enfance à son imagination truculente et poétique. »(Le Canard enchaîné, 1974)

« Le souvenir se mêlant à l’imaginaire, le récit à la fable, c’est tout naturellement que le film devient fabuleux. La férie de la mémoire confère aux gens et aux choses des dimensions irréelles : gamins obèses, énormes femelles, bonnes sœurs naines, accordéoniste aveugle, les monstres se prennent à proliférer… « (Le Nouvel Obs, 1974)

Mr. Kaplan

Projection
01 décembre 2015

Réalisation
A, Brechner

D’après « El salmo de Kaplan » de Marco Schwarz

Acteurs
Héctor Noguera, Néstor Guzzini

Synopsis
Jacobo Kaplan est originaire d’Europe centrale, envoyé en Amérique par ses parents dans les années trente, ceux-ci n’ont jamais pu le rejoindre. Aujourd’hui, à la question existentielle qu’il se pose « qu’ai-je donc fait de mon existence ? », le vieil homme est obligé d’admettre que la seule réponse possible au soir de sa vie est : « rien ». La présence d’un vieil Allemand, modeste tenancier d’une gargote de plage, pourrait être l’occasion de se rattraper car cet Allemand, au passé forcément trouble, ne peut être qu’un ancien nazi, bien sûr.

Le film
«Qu’ai-je donc fait de mon existence qui pourrait faire qu’on se souvienne de moi après ma mort»? Voilà la question existentielle que se pose Jacobo Kaplan, obligé d’admettre que la seule réponse possible au soir de sa vie est: «rien». Inutile de souligner que ce constat est loin de le satisfaire alors que sa famille s’était sacrifiée pour l’envoyer, depuis l’Europe centrale, vers l’eldorado américain pour qu’il y fasse briller le nom de Kaplan. A la recherche éperdue d’un haut fait qui marquerait ses contemporains, Jacobo saisit tout de suite les implications d’une simple allusion de sa petite-fille à un allemand, vivant modestement d’une simple gargote sur la plage. D’autant plus que les jeunes le surnomment «le nazi». Pour Jacobo, la messe est dite et il veut rééditer l’opération «Eichmann» où les services secrets israéliens, dans une entreprise quasi-impossible, avaient enlevé le célèbre tortionnaire des camps de la mort pour le faire juger en Israël. Il engage alors Wilson Contreras, un ancien policier, pour traquer cet allemand dont on sait peu de choses. Pour Jacobo, chaque indice sera à charge et rien ne le détournera de son but ultime, ni Wilson essayant de lui faire entendre raison, ni sa famille, ni les mésaventures auxquelles il va être confronté car n’est pas James Bond qui veut, surtout si votre vue baisse. Toujours est-il que l’«Allemand» tombera dans les mains de notre couple de justiciers mais ils ne seront pas au bout de leurs surprises…